Chirurgie Craniofaciale Assistée Par Ordinateur

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Description

Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-360-A-30

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Chirurgie craniofaciale assistée par ordinateur B Lombard

Résumé. – L’avènement d’une technologie nouvelle a fréquemment constitué, dans l’histoire moderne de la médecine, le point de départ d’une nouvelle discipline, soit en augmentant l’acuité perceptive du médecin, source de nouvelles possibilités diagnostiques, soit en s’interposant entre la main du thérapeute et le corps malade, source d’affinement de l’acte thérapeutique. Ainsi en est-il du microscope, de l’électrocardiographe, ou encore des rayons X, chacun à l’origine de spécialités médicales majeures. Il est bien tôt encore pour se prononcer sur l’impact qu’auront sur l’art chirurgical les techniques d’assistances numériques, disponibles que depuis très peu de temps. Mais, outre le fait qu’elles risquent de devenir rapidement incontournables, il se pourrait qu’elles conduisent non seulement à une nouvelle manière d’opérer, mais aussi à une façon différente de penser la chirurgie. Le but du présent article est de présenter dans leurs grandes lignes les concepts qui président à la chirurgie à assistance numérique, certains aspects techniques inévitables pour concevoir la manière d’utiliser ces systèmes et ce qu’il est raisonnable d’en attendre en l’état actuel des connaissances. © 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : chirurgie assistée par ordinateur, chirurgie craniofaciale, chirurgie maxillofaciale, assistance numérique.

Introduction La chirurgie assistée par ordinateur a pour but d’offrir au chirurgien une assistance sous forme de guidage lors d’interventions portant sur des régions anatomiques complexes, à haut risque fonctionnel ou vital, et où l’étroitesse de la voie d’abord pratiquée ne permet pas un repérage direct constant, visuel et tactile. Cette définition élimine les situations périopératoires où l’ordinateur est présent, comme il l’est d’ailleurs devenu dans la plupart des actes, même les plus courants, de toute activité professionnelle. Nous écartons également de ce cadre la cyberchirurgie ou chirurgie réalisée par robot, car elle pose des problèmes différents, encore imparfaitement résolus, et elle n’est pas chirurgie puisque, stricto sensu, la chirurgie est un acte manuel. Au plan sémantique, cette technologie est trop récente pour avoir un nom définitif. Le terme de chirurgie guidée par l’image est souvent avancé, mais il ne permet pas d’en distinguer la chirurgie vidéoendoscopique qui se pratique sans ordinateur. Les termes « neuronavigation » et « sinusonavigation » sont trop restrictifs. Le terme franglais surgétique, parfois utilisé, est vide de toute étymologie et donc de sens. L’acronyme CAO est déjà réservé pour signifier la conception assistée par ordinateur. Nous proposons le terme de chirurgie infodromique (de info et dromos : trajet, chemin).

logique de la considérer comme le prolongement naturel de la chirurgie stéréotaxique, née bien avant l’ère des ordinateurs, puisque les premiers cadres stéréotaxiques sont apparus à la fin du siècle dernier. CHIRURGIE STÉRÉOTAXIQUE SUR CADRE

En 1908, Clarke et Horsley décrivent une méthode de topographie rectilinéaire du cerveau de macaque Rhésus et mettent au point le premier cadre stéréotaxique moderne, dont la complexité préfigure le problème général du référencement et du recalage (cf infra) (fig 1). Ce système leur permet d’appliquer des courants électriques lésionnels en différents points du cerveau à travers des aiguilles isolées et guidées grâce à ce cadre. En 1947, Spiegel reprend les travaux de Clarke et Horsley et décrit une méthode alternative à l’effroyable lobotomie frontale d’Egas Moniz, en générant des lésions électriques du nucleus médian et du thalamus sécurisées grâce à un cadre stéréotaxique [18]. Ses résultats ne sont guère meilleurs que ceux de Moniz, mais aboutissent à une psychochirurgie moins hémorragique et donc moins létale.

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Cadre stéréotaxique de Horsley et Clarke (1908).

Historique La chirurgie assistée par ordinateur a pour objet essentiel d’offrir à l’opérateur une assistance sous forme de guidage, dans le but d’améliorer la précision de son geste. Pour cette raison, il semble

Bertrand Lombard : Chirurgien spécialiste des Hôpitaux des Armées, hôpital d’Instruction des Armées Desgenettes, service d’oto-rhino-laryngologie, 108, boulevard Pinel, 69275 Lyon cedex 03, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Lombard B. Chirurgie craniofaciale assistée par ordinateur. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-360-A-30, 2003, 8 p.

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Cadre stéréotaxique de Perry.

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Le « Neuronavigator » de Watanabe.

Talairach, à Paris, publie en 1949 son célèbre atlas stéréotaxique basé sur une série de dissections cérébrales soigneusement mesurées dans un repère cartésien triplanaire et qui, 50 ans plus tard, constitue toujours une référence. RADIOLOGIE CRANIOENCÉPHALIQUE

Mais les travaux précités ignorent le potentiel formidable de l’imagerie médicale et s’appuient sur une analyse statistique de la topographie encéphalique humaine, acquise à travers la dissection post mortem. C’est probablement Cushing, vers 1914, qui le premier a pressenti l’intérêt considérable de la radiographie craniofaciale. Pour déterminer une stratégie d’abord opératoire de la selle turcique pour hypophysectomie, il développe une méthode de mensuration de clichés radiologiques pris sous des incidences précises [4]. Et ainsi, pendant un demi-siècle, les techniques vont s’affiner peu à peu, aboutissant à une multitude d’indices, repères et autres ratios utilisés comme guides par les neurologues qui deviendront peu à peu neurochirurgiens avec l’individualisation de cette discipline. L’idée d’utiliser un ordinateur pour piloter un générateur de rayons X remonte au début des années 1960 avec le neurologue californien Oldendorff, qui publie un rapport sur l’insuffisance de l’imagerie encéphalique traditionnelle comparée aux possibilités d’exploration d’autres organes et souligne le danger des méthodes d’encéphalographie iodée, gazeuse ou d’angiographie cérébrale. Il suggère l’utilisation d’un ordinateur pour piloter avec précision un tomographe classique. Mais le problème est complexe et les ordinateurs encore rudimentaires. Il faut attendre 1972 pour que la pugnacité de l’ingénieur anglais Hounsfield, prix Nobel de médecine, aboutisse à la première coupe transversale de la tête d’un patient en 5 minutes. La médecine numérique est née et la chirurgie assistée par ordinateur n’en sera qu’une conséquence. L’apparition ultérieure de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) étendra le champ de l’imagerie, mais sa précision est encore limitée comparée à celle de la tomodensitométrie : l’IRM fait de belles images, mais elles sont peu précises topographiquement. Désormais, la stéréotaxie ne sera plus envisagée autrement que couplée au scanner : Leksell imagine un nouveau cadre [12], que perfectionnent Berstrom et Greitz. Le cadre de Brown [2] permet de placer une sonde cérébrale avec une précision moyenne de 1,8 mm, précision que Perry améliore encore grâce à des marqueurs opaques repérés avec plus de finesse (fig 2). Aujourd’hui, les cadres stéréotaxiques sont peu à peu abandonnés au profit de systèmes dits frameless.

proprement parler de système de navigation, mais simplement d’accessoires de visée balistique. Les neurochirurgiens qui les utilisent savent le temps consommé par leur installation et les calculs trigonométriques qui s’y associent obligatoirement. On comprend dès lors le formidable intérêt suscité en 1987 par la publication des travaux de Watanabe, neurochirurgien du Tokyo General Hospital [22]. Le « Neuronavigator » (fig 3) qu’a mis au point son équipe pour pratiquer l’exérèse de tumeurs cérébrales diverses utilise un bras mécanique relié à un ordinateur dans lequel ont été préalablement introduites les images tomodensitométriques du patient. La précision est médiocre, l’erreur atteint parfois 10 mm. L’ordinateur ne peut stocker que six images. La présence d’un ingénieur en salle d’opération est indispensable au fonctionnement de l’appareil. Le Neuronavigator, trop cher et peu précis ne sera jamais commercialisé, mais la chirurgie assistée par ordinateur est inventée. CHIRURGIE CRANIO-MAXILLO-FACIALE ASSISTÉE PAR ORDINATEUR

STÉRÉOTAXIE SANS CADRE

Initialement développés pour leurs applications en neurochirurgie, les systèmes de navigation suscitent très vite l’intérêt d’équipes chirurgicales oto-rhino-laryngologiques et maxillofaciales, elles aussi confrontées aux problèmes du repérage anatomique peropératoire. En effet, l’avènement de l’endoscope moderne permet une chirurgie mini-invasive permettant l’accès à des régions très enclavées comme le labyrinthe ethmoïdal, la base antérieure du crâne ou encore la fosse ptérygomaxillaire. Des interventions comme celle de De Lima, abandonnées pour leur très haut risque fonctionnel ou vital, sont alors repensées sous l’angle de l’endoscopie par des équipes comme celle de l’Autrichien Messercklinger, avec des résultats autrement meilleurs et une morbidité raisonnable. La chirurgie endoscopique s’impose. Mais elle a aussi ses désavantages : les optiques panoramiques modernes entraînent une déformation sphérique de l’image aboutissant à des erreurs de perception du champ opératoire qui peuvent atteindre près de 1 cm pour un opérateur non entraîné. Les voies d’abord utilisées, essentiellement endonasales, sont très exiguës et rendent difficile un geste hémostatique. La chirurgie infodromique craniofaciale, introduite vers 1997, apparaît comme une solution très intéressante à ces problèmes de repérage topographique.

Les cadres précédemment décrits, quoique fiables et précis, sont encombrants pour le chirurgien, douloureux et angoissants pour le patient qui doit rester la tête emprisonnée plusieurs heures dans un carcan métallique avant d’entrer en salle d’opération. De plus, leurs possibilités se limitent à guider précisément une aiguille poussée sur une certaine distance à partir d’un point de coordonnées relatives connues et selon un angle calculé. Il ne s’agit pas à

Ailleurs, des équipes d’implantologie dentaire savent qu’un facteur important pour la pérennité de leur implant est son positionnement axial optimal, de manière à ce que les contraintes s’exercent essentiellement en compression et le moins possible en cisaillement. Là encore, les systèmes de navigation sont à même de résoudre ce problème, avec une résolution angulaire nettement supérieure à celle de l’œil de l’opérateur.

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Principe général de la chirurgie assistée par ordinateur. TDM : tomodensitométrie ; IRM : imagerie par résonance magnétique.

Écran d’affichage

Station informatique

Imagerie TDM IRM

Système de localisation spatiale

Concepts généraux et technologiques de la chirurgie assistée par ordinateur La chirurgie assistée par ordinateur consiste à utiliser la puissance de calcul, la capacité à stocker de l’information et les possibilités d’affichage graphique des micro-ordinateurs modernes pour mettre en correspondance, en temps réel, les coordonnées d’un capteur spatial solidaire de l’instrument utilisé par l’opérateur avec le point homologue situé sur l’imagerie du patient. Le résultat de cette opération est exprimé sur un écran visible du chirurgien, qui a ainsi l’illusion de naviguer au sein des structures anatomoradiologiques du patient qu’il opère. Au fur et à mesure de sa progression, il peut ainsi connaître avec précision la position de son instrument, y compris dans des régions exiguës, noyées par l’hémorragie, remaniées par la pathologie ou encore la fibrose d’un geste chirurgical antérieur. Cette technologie suppose donc la mise en œuvre d’un système de localisation spatiale, d’une station informatique, et la réalisation d’une imagerie adéquate : tomodensitométrie ou IRM (fig 4). SYSTÈMES DE LOCALISATION SPATIALE

Ils constituent un maillon important de cette technologie en convertissant en coordonnées cartésiennes relatives la position d’un capteur assujetti à un instrument.

¶ Systèmes électromécaniques Ils ont été les premiers utilisés en raison de leur simplicité. Une potence supporte un bras constitué de plusieurs segments articulés entre eux de manière à offrir cinq ou six degrés de liberté. Les articulations contiennent un potentiomètre de précision renseignant sur l’angle relatif formé par chaque segment. Robustes et peu onéreux, ils ont été abandonnés en raison de leur ergonomie médiocre et de leur précision intrinsèque réduite à 2 ou 3 mm.

¶ Systèmes à faisceau ultrasonore Ils sont constitués d’un émetteur piézoélectrique fixé sur l’instrument et d’une baie de trois microphones située à distance du champ opératoire et analysant le temps de vol des impulsions ultrasonores émises par l’émetteur. Connaissant le temps de propagation du son dans l’air, on peut en déduire, par simple triangulation, la position relative de l’instrument. Malheureusement, ce temps de propagation est largement dépendant de la température et de l’hygrométrie ambiantes, entraînant des erreurs cumulées de plusieurs centimètres, même après un calibrage soigneux. En outre, l’interposition d’objets (mains de l’opérateur, instrumentation) entraîne des aberrations difficilement détectables. Pour cette raison, ces systèmes sont restés à l’état de prototypes.

¶ Systèmes optoélectroniques Ils sont apparus un peu plus tard. Ils reposent sur l’emploi d’une baie de deux ou trois caméras CCD à haute résolution située à

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distance du champ opératoire. Ces caméras analysent par triangulation la position d’un minimum de deux diodes électroluminescentes émettant dans le proche infrarouge et fixées sur l’instrument chirurgical. Ces diodes peuvent éventuellement être remplacées par des sphères réfléchissant la lumière infrarouge émise par un projecteur placé dans la baie de caméra (système passif), ce qui permet de s’affranchir du câble alimentant les diodes, au prix d’une légère dégradation de performance. Leur précision est excellente, de l’ordre du demi-millimètre. Mais ils ont pour inconvénients un angle de vision réduit et d’interrompre leur fonctionnement dès qu’un objet s’interpose entre la ligne de vue des caméras et les diodes émettrices. Il en résulte une ergonomie difficile à gérer, puisque le chirurgien n’est plus libre de positionner ses aides, ses instruments et ses mains à sa guise. La baie de caméra est encombrante et surtout fragile, car elle contient un système de lentilles cylindriques susceptibles de se défocaliser lors de chocs, entraînant une perte de précision. Aussi, si ces systèmes apparaissent très adaptés à la gestuelle quasi statique de la neurochirurgie pour laquelle ils ont été primitivement conçus, ils semblent l’être beaucoup moins pour la dynamique gestuelle des interventions cranio-maxillo-faciales.

¶ Systèmes électromagnétiques Ils sont d’apparition récente. Ils reposent sur la réalisation d’un champ magnétique alternatif selon trois axes orthogonaux. Un capteur constitué de bobinages également orthogonaux, déduit sa position vis-à-vis de l’émetteur en fonction du champ induit dans chacun de ses bobinages. Les champs magnétiques décroissant avec une puissance cubique de la distance à la source, la sensibilité et la résolution de ces systèmes sont excellentes, de l’ordre du dixième de millimètre. En outre, ils sont robustes et suffisamment miniaturisables pour pouvoir faire oublier au chirurgien leur présence sur le site opératoire. Autre avantage, ils fonctionnent sans restriction, quelle que soit la position du chirurgien, de ses instruments ou de ses aides, puisqu’ils ne sont pas tributaires d’une ligne de vue à préserver. L’émetteur, mesurant généralement 1 ou 2 cm3, peut être fixé directement sur le patient, supprimant le capteur de référence requis par les systèmes infrarouges et divisant ainsi par deux l’erreur de mesure. Les premiers prototypes avaient un inconvénient majeur, celui d’être sensibles aux masses métalliques inévitablement présentes dans le champ opératoire. Ce défaut est à présent corrigé grâce à une technologie d’échantillonnage spécial à haute fréquence du signal, éliminant la plupart des distorsions métalliques. En outre, l’emploi d’un capteur témoin permet de détecter une distorsion résiduelle et d’en avertir aussitôt l’utilisateur, conférant à ces localisateurs la même fiabilité que celle des systèmes infrarouges, sans leur inconvénients. MISE EN ŒUVRE D’UN SYSTÈME DE NAVIGATION CHIRURGICALE

Quel que soit le type de système considéré, sa mise en œuvre requiert invariablement les étapes suivantes : – réalisation d’une imagerie, transfert de la série d’images sur la station informatique du navigateur (via un réseau ou un support tel qu’un CD-Rom) et traitement de ces images, généralement au format DICOM (norme internationale des systèmes d’imagerie médicale, signifiant Digital Imaging and Communication in Medicine), pour les rendre accessibles à la navigation ; – recalage de ces images pour les placer dans le même système de coordonnées que celui du localisateur spatial ; – calibrage de l’instrument chirurgical ; en effet, le localisateur ne connaît que la position de son capteur fixé à l’instrument ; or, le chirurgien, lui, ne s’intéressant qu’à la position de l’extrémité active de son instrument, il convient donc d’indiquer à la machine les caractéristiques dimensionnelles de cet instrument ; c’est le calibrage, opération simple et rapide, mais qui doit être renouvelée chaque fois que l’instrument chirurgical choisi comme sonde par l’opérateur est modifié ; 3

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– enfin, vérification de la cohérence des informations retournées par le système avant de débuter l’intervention.

¶ Recalage des images Principe La position et l’orientation de la tête du patient sur les images dépendent de la manière dont celui-ci a été installé sur la table radiologique vis-à-vis du tube radiogène. Il n’y a aucune raison pour que, une fois allongé sur la table d’opération, sa position vis-à-vis du localisateur soit identique. Le but du recalage est de déterminer les équations de transfert permettant de convertir les coordonnées de tout point retourné par le localisateur, de sorte qu’il corresponde exactement au point homologue dans le système de coordonnées des images. C’est un problème complexe. La manière la plus simple de le résoudre consiste à fournir à la machine un certain nombre de points répartis sur le visage et le crâne du patient, et à sélectionner ces mêmes points sur les images. Pour ce faire, on peut utiliser soit des repères anatomiques naturels (nasion, canthus interne et externe, tragus, jonction nasolabiale), soit des marqueurs fiduciaires radioopaques collés sur la peau ou vissés dans la table externe du crâne. Cette deuxième technique est la plus contraignante pour le patient comme pour l’opérateur, puisqu’elle nécessite un examen radiologique spécial suivi du geste chirurgical dans un délai aussi court que possible, pour éviter la gêne entraînée par des plots vissés ou le risque de déplacement de marqueurs collés. Mais elle est plus précise que la précédente puisqu’elle n’est pas tributaire de l’habileté de l’opérateur à repérer un point tridimensionnel sur l’imagerie et à viser avec exactitude ce même point sur le patient. Recalage surfacique Certains systèmes (VectorVision IIt, BrainLab GmbH ; Système DigiPointeurt, Collin-ORL-CMF) résolvent élégamment ce problème grâce à un algorithme de recalage surfacique. Son principe consiste à recréer un modèle surfacique tridimensionnel à partir du volume d’images, puis, après acquisition de quelques centaines de points prélevés de manière aléatoire sur le visage du patient à l’aide d’une sonde assujettie au localisateur, d’ajuster rotations et translations de manière itérative, jusqu’à obtenir la superposition optimale des points sur le modèle surfacique. Cet ajustage, qui ne réclame que quelques secondes de calcul, est réalisé automatiquement par l’ordinateur. Cette technologie présente des avantages pratiques importants : – il n’est pas nécessaire de prévoir un examen radiologique spécial pour l’intervention ; – le procédé, simple et très rapide, est peu opérateur-dépendant ; – l’appariement des points est réalisé avec une précision mathématique théorique plusieurs milliers de fois supérieure à la main d’un opérateur ; – mais surtout, le nombre de points mis en jeu pour le recalage peut être très élevé comparativement aux quelque cinq ou dix points des méthodes traditionnelles ; l’optimisation mathématique du recalage dépendant de la racine carré du nombre de points mis en jeu, il en résulte un gain sensible de précision.

¶ Problème du référencement Après recalage, la tête du patient doit être maintenue dans une position constante vis-à-vis du système localisateur, faute de quoi les informations délivrées par le navigateur deviennent inexactes. Les systèmes destinés à la neurochirurgie résolvent cette difficulté en immobilisant la tête du patient dans une têtière à pointes (étrier de Mayfield). Cette modalité est inapplicable dans les spécialités cranio-maxillo-faciales, lesquelles requièrent une dynamique gestuelle très différente. Pour maintenir valide le recalage malgré la mobilisation de la tête du patient, on fixe sur celle-ci un capteur secondaire, dit capteur de référencement, qui renseigne le système de tout déplacement relatif vis-à-vis du localisateur, pour permettre 4

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sa compensation. La manière dont ce capteur est fixé sur le patient est cruciale puisqu’elle doit être à la fois très stable, ne pas gêner l’opérateur et autoriser tout type de voie d’abord. Selon les systèmes, le capteur de référencement peut être solidarisé au crâne du patient par un arceau métallique, un casque, un bandeau, un trépied vissé dans la table externe de la calvaria ou encore une petite pièce buccale autostatique immobilisée entre maxillaire et mandibule. Le référencement mandibulaire pose un problème particulier, puisque l’angle d’ouverture buccale et l’éventuelle latéro- ou propulsion de la mandibule sont variables entre l’instant où a été réalisée l’imagerie et celui où le patient est installé intubé sur la table d’opération. L’utilisation d’un système de navigation pour guider la réalisation d’ostéotomies mandibulaires ou encore pour positionner avec précision des implants mandibulaires ostéo-intégrables nécessite un recalage spécial sur la mandibule pour assurer son référencement de manière indépendante du reste de l’extrémité céphalique.

¶ Navigation Une fois réglé et opérant, un système de navigation ne doit pas être utilisé aveuglément. Au début de l’intervention, il importe à l’opérateur de vérifier la pertinence et la précision des informations graphiques renvoyées par le système, sur des repères anatomiques fiables et indiscutables. Il y a lieu de multiplier ces vérifications sur des repères variés, de manière à valider cette fiabilité sur les trois axes de l’espace. Tout au long de l’intervention, il est souhaitable d’observer le comportement du système de manière à connaître sa pertinence et à savoir, le moment venu, face à un problème de repérage ou d’identification anatomique crucial, quelle confiance accorder à la machine. C’est là une philosophie essentielle, sans laquelle l’usage d’un système de navigation peut s’avérer plus dangereux que bénéfique.

Systèmes disponibles Il existe essentiellement cinq modèles de navigateurs chirurgicaux disponibles pour la chirurgie craniofaciale (fig 5, 6, 7, 8). Leurs performances sont variables d’un modèle à l’autre et pour un même modèle, selon les options qui les équipent. Le tableau I présente ces systèmes et leurs caractéristiques essentielles. Des efforts considérables ont été faits par les concepteurs pour tenter de simplifier en apparence une technologie complexe et la rendre utilisable pour des actes de pratique quotidienne. Cet aspect nous paraît essentiel, car seul un matériel utilisé en pratique de routine, donc simple et rapide à installer, est suffisamment maîtrisé pour des interventions plus lourdes où la machine devient significativement contributive. Le choix d’un système, à notre sens, doit prendre en compte divers paramètres, parfois contradictoires : – l’ergonomie globale du système ; de ce point de vue, les systèmes électromagnétiques sont très performants [5, 6, 11, 14] ;

5 Système DigiPointeurt ORL-CMF, France).

(Collin-

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Système Instatrackt (VTI, Wilmington, États-Unis).

7

Système Landmar xt (Medtronic, Jacksonville, États-Unis).

– la fiabilité et la précision réelles du système, souvent très éloignées des prétentions du constructeur ;

Système VectorVision (BrainLab, Munich, Allemagne).

– sa simplicité de mise en œuvre et plus précisément le temps effectif requis par un utilisateur ordinaire pour installer et lancer le système ; un appareillage trop compliqué n’est qu’exceptionnellement utilisé et donc peu fiable entre les mains d’un utilisateur occasionnel ; – sa capacité à s’adapter à tous les types de procédure chirurgicale, quelle que soit la voie d’abord choisie ; – ses possibilités d’adaptation instrumentale ; le fait de pouvoir utiliser l’instrumentation auquel l’opérateur est habitué est une donnée importante ; – sa capacité à être piloté directement par l’opérateur d’une façon simple et efficace ; les systèmes utilisant un pédalier de commande nous semblent peu pratiques, mais ceci relève d’un choix personnel ; – l’encombrement, le poids, la fragilité globale du système, sont à considérer avant de les faire pénétrer dans des blocs opératoires déjà surchargés de consoles d’anesthésie, microscopes, lasers, moteurs suspendus et autres amplificateurs de brillance ; – enfin, le coût d’un système tout autant que celui des consommables qui lui sont nécessaires est, bien sûr, un élément

Tableau I. – Systèmes de navigateurs chirurgicaux disponibles et leurs caractéristiques esssentielles. Type de navigateur

VectorVision-IIt

DigiPointeur 6300-Vt

Instatrackt

LandMar Xt

SNSt

Fabricant

Brainlab GmbH, Munich, Allemagne

Collin-ORL-CMF, Cachan, France

GEMS/VTI, Wilmington, États-Unis

Medtronic, Louisville, États-Unis

Strycker-Leibinger, Portage, États-Unis

Technologie du localisateur

Optique passive

Électromagnétique Superpulsée

Électromagnétique

Optique active ou passive

Optique active

Système de référencement

Bandeau frontal

Bandeau frontal ou pièce buccale autostatique

Casque temporofrontal

Arceau métallique péricrânien

Trépied frontal

Applications couvertes

Neurochirurgie ORL Orthopédie

ORL - Chirurgie latérale de la base du crâne - CMF

ORL Neurochirurgie Orthopédie

ORL Neurochirurgie Orthopédie

ORL-CMF

Adaptation instrumentale

Tous instruments

Tous instruments

Instruments spéciaux ou à usage unique

Instruments spéciaux

Instruments spéciaux

Type de recalage

Recalage automatique surfacique

Recalage automatique surfacique

Recalage préétabli sur casque

Recalage manuel sur points de repères

Recalage manuel sur points de repères

Oui : casque

Oui : marqueurs

Oui : marqueurs

Nécessité de porter un dispositif spécial durant l’imagerie pour une précision optimale

Non

Non

Clichés standards

Clichés standards

Capacités de planning chirurgical

Analyse 3D volumique

Analyse 3D volumique

Non

Analyse 3D volumique

Non

Mode de pilotage peropératoire du système

Écran tactile Télécommande IR

Souris Télécommande IR Commandes vocales

Souris Écran tactile

Souris Pédales

Stylet Pédales

Temps d’installation (selon référence bibliographique citée)

NC

7 minutes [14]

10 minutes [11]

20 à 40 minutes [7]

NC

ORL : oto-rhino-laryngologie ; CMF : chirurgie maxillofaciale ; IR : infrarouge ; NC : non communiqué.

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important de choix, d’autant plus que les systèmes les plus onéreux ne sont pas nécessairement les plus performants.

Précision Les spécifications techniques des constructeurs de navigateurs chirurgicaux, tout comme les études menées par des cliniciens, sont souvent fantaisistes quant à la précision et ne s’appuient généralement sur aucune méthodologie métrologique [5, 6, 11]. La plupart des chiffres exprimés représentent la magnitude moyenne (RMS ou root mean square) d’un vecteur erreur, apprécié empiriquement par l’observateur, sur les trois axes x, y, z, pour n échantillons (où i représente un échantillon de mesure renvoyé par le système de navigation et r la position réelle de ce même point, après correction) :

e =

Σ

i=l

(xi _ xr)2 + (yi _ yr)2 + (zi _ zr)2

Une telle formulation a l’avantage d’exprimer par une valeur numérique unique des données à trois dimensions. Mais elle tend à minimiser l’erreur et ne permet pas de connaître la pertinence ou fiabilité du système, à moins d’être associée (ce qui est rarement le cas), à l’écart-type, au minimum et au maximum de ces mesures. Mais, même dans ce cas, si le bruit d’erreur n’a pas une répartition normale, c’est-à-dire de type gaussienne, la fiabilité métrologique du système ne peut être appréciée. Or, la plupart des erreurs étant dues à un biais dans la chaîne de mesure, il serait préférable d’adopter la bonne habitude d’exprimer la précision de ces systèmes sous forme de quantiles, par exemple au 95e percentile. Une telle méthode aurait l’avantage de donner à l’opérateur un intervalle de confiance utilisable [13]. Une norme devra sans doute être créée pour éviter à des fabricants d’annoncer une précision nettement meilleure que la taille du pixel (ou point élémentaire) des images affichées ! Le volume englobé dans la mesure est également important à préciser : 100 mesures prises à quelques millimètres de distance ne représentent pas la même précision que 100 autres mesures réparties dans un volume de 1 dm 3 . Or, ce volume de mesure n’est qu’exceptionnellement rapporté dans les études disponibles. Par ailleurs, les études de précision menées par des équipes chirurgicales indépendantes ne reposent le plus souvent que sur une appréciation visuelle perendoscopique du vecteur erreur, avec néanmoins des résultats exprimés généralement en centièmes de millimètre. Or, seuls des protocoles utilisant des marqueurs de référence implantés de manière stable dans l’os permettent une analyse rigoureuse de la distribution volumique de l’erreur. Mais de telles études sont bien sûr lourdes à mener et éthiquement discutables car sans bénéfice direct pour le patient. Et celles menées en laboratoire sur des pièces fantômes sont trop éloignées de la réalité chirurgicale pour être intéressantes. À ces remarques près, la plupart des systèmes de navigation ont une précision inférieure à 3 mm et jouxtent le plus souvent le millimètre dans le volume opératoire utile. Il convient cependant de remarquer que cette précision dépend d’une chaîne où interviennent de nombreux facteurs : précision avec laquelle est calibré l’imageur et ses paramètres de réglage, immobilité plus ou moins complète du patient durant l’examen, précision intrinsèque du système localisateur spatial, précision de l’opérateur réalisant le recalage, performance de l’algorithme de calcul du recalage, précision du calibrage dimensionnel de l’instrument, lequel doit être parfaitement rigide pour n’induire aucune erreur supplémentaire due à sa déformation.

Indications craniofaciales de la chirurgie infodromique Elles sont nombreuses et tendent à augmenter de jour en jour. Aussi, n’en citerons-nous que quelques exemples. 6

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Tumeur ostéolytique de la paroi latérale du sinus sphénoïde gauche. Cette lésion, quoique de petite taille, est située à 4,3 mm du nerf optique. Son caractère ostéolytique fait craindre un processus néoplasique. L’imagerie par résonance magnétique n’apporte pas d’orientation étiologique supplémentaire. L’injection de contraste n’a pas été réalisée. Une biopsie est indispensable pour préciser la nature exacte de cette lésion, mais fait courir un risque certain pour le pédicule optique de ce patient. L’utilisation d’un système de navigation permet de mesurer avec précison ses rapports avec la masse tumorale, puis de l’aborder avec une précision inframillimétrique, dans des conditions de sécurité optimales. L’image vidéoendoscopique, dans le quadrant inférieur gauche, montre la canule aspiratrice au contact de la lésion. L’intersection des lignes correspond à la position de l’extrémité de la canule (Système DigiPointeurt). CHIRURGIE ENDOSCOPIQUE DES SINUS DE LA FACE ET DE LA BASE ANTÉRIEURE DU CRÂNE

Les risques de blessure vasculaire, neuro-optique ou de plaie méningée avec ou sans pénétration cérébrale inhérents à cette chirurgie expliquent que les premiers essais de chirurgie craniofaciale infodromique aient porté sur cette indication. L’association endoscope-navigateur permet d’accroître très sensiblement la qualité de l’exérèse chirurgicale, avec certainement une morbidité sensiblement réduite (fig 9). Les gestes de réparation de brèches méningées ou de décompression du nerf optique, notamment pour des atteintes d’origine traumatique, idéalement, ne devraient plus être réalisés autrement que sous l’assistance d’un système de navigation [10, 11, 20]. VOIES D’ABORD EXTERNES CRANIOFACIALES

Les voies externes bénéficient également de la navigation, sous réserve que l’ancillaire de référencement soit compatible avec l’incision et le décollement du lambeau musculocutané envisagés. L’utilisation d’un ancillaire de référencement buccal autostatique peut s’avérer précieux pour réaliser sans encombre une incision bitragienne en vue d’aborder un sinus frontal. Le navigateur permet le repérage exact de la projection des contours des sinus frontaux au cas où un volet ostéoplastique est décidé. La résection de tumeurs du complexe ethmoïdo-fronto-orbitaire devrait être menée plus sûrement lorsqu’un navigateur est capable de donner une appréciation rigoureuse de profondeur et de renseigner sur la proximité du pédicule neuro-optique ou de la méninge. GUIDAGE BIOPSIQUE. CHIRURGIE « MINI-INVASIVE »

La biopsie de lésions situées dans des régions profondes, par exemple étage antérieur ou moyen de la base du crâne, peut être réalisée de manière performante et peu invasive, avec des délabrements limités au strict minimum. Les abords endoscopiques endonasaux assistés par ordinateur de lésions traditionnellement considérées comme du seul ressort de la neurochirurgie stéréotaxique autorisent dans bon nombre de cas un diagnostic

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Kyste dermoïde de la ptérygoïde droite, étendu à la grande aile du sphénoïde, à l’origine d’un syndrome comitial majeur avec état de mal épileptique. Abord de la tumeur par voie transantrale avec fraisage de la paroi postérieure du sinus maxillaire. Après repérage du pédicule sphénopalatin, la tumeur kystique est marsupialiséee et sa matrice épidermique réséquée au maximum. Le système de navigation permet d’optimiser la voie d’abord tout en repérant précisément fente et pédicule sphénopalatins. L’évidement de la lésion est un geste aveugle contrôlé par le navigateur et les sensations de contact osseux avec la canule aspiratrice permettant de suivre les limites de la masse kystique. Sans l’assistance d’un système de navigation, la voie endoscopique aurait probablement été abandonnée au profit d’une voie neurochirurgicale autrement plus lourde et plus délabrante.

histologique, voire l’éradication de la lésion, avec des séquelles esthétiques et fonctionnelles sans commune mesure avec celles générées par les voies d’abord externes traditionnelles (fig 10). Sur ce même principe, nous avons pu réaliser à titre antalgique, lors de carcinomes ethmoïdaux incontrôlables, des infiltrations neurolytiques de la deuxième branche du nerf trijumeau à son émergence au trou grand rond, avec une précision et une sécurité difficiles à atteindre par les techniques manuelles classiques. EXTRACTION DE CORPS ÉTRANGERS

Les corps étrangers, notamment ceux localisés dans la fosse infratemporale, balistiques ou à type de foret dentaire cassé et migré, quoique peu fréquents, posent des problèmes considérables de localisation lorsque leur extraction s’impose, par exemple après constitution d’un granulome réactionnel extensif. L’emploi de clichés radiologiques sous plusieurs incidences ou même d’un amplificateur de brillance ne permet pas toujours de venir à bout de ce problème comme peut le faire un système de navigation tridimensionnel. CÉPHALOMÉTRIE PRÉOPÉRATOIRE ET MÉTHODES MORPHOMÉTRIQUES PEROPÉRATOIRES

La mesure des angles céphalométriques et le tracé de lignes d’appui menés traditionnellement sur des calques apposés sur des clichés xéroradiographiques sont sensiblement facilités par la technologie numérique. Elle permet, par exemple, une simulation des ostéotomies d’avancement ou de recul mandibulaire dans le cadre d’un projet de profiloplastie avec calcul automatique chiffré des angles et distances relatifs [9]. En peropératoire, elle offre la possibilité de mesurer très précisément l’importance des déplacements osseux effectifs, même après que se soient constitués œdèmes ou hématomes. La pose de greffons est également facilitée par la mesure simultanée de distances et d’angles comparatifs avec le côté opposé, permettant leur positionnement précis et symétrique [4].

11

Reconstructions volumiques avec rendu surfacique (A. choanes ; B. sinus frontaux et recessus frontal droit ; C. massif facial). L’intérêt de telles reconstructions est évident lorsqu’il s’agit d’apprécier les rapports spatiaux d’une lésion traumatique ou malformative complexe, ou encore de modéliser dans les trois plans de l’espace un greffon de reconstruction, puis de le positionner de façon optimale. Certains systèmes sont également dotés de capacités d’endoscopie virtuelle, dont l’utilité en pratique de routine reste à démontrer, mais d’un intérêt didactique certain. IMPLANTATION PROTHÉTIQUE

Le rôle joué par les systèmes de navigation est encore au stade expérimental, mais devrait rapidement se développer. Comme en orthopédie des membres inférieurs, les navigateurs sont capables de déterminer un centre géométrique et de renvoyer avec précision un jeu de valeurs angulaires pour les trois plans de l’espace. Il en résulte la possibilité de positionner d’emblée de manière optimale un implant dentaire sans avoir à en corriger secondairement les axes par des pièces intermédiaires. Il est également possible d’effectuer des reconstructions en trois dimensions avec rendu volumique (fig 11) pour simuler la position et les contraintes de l’implant vis-àvis des dents adjacentes et sus-jacentes [23, 24]. La situation exacte de l’outil de forage vis-à-vis du canal dentaire ou du plancher du sinus maxillaire ainsi que la distance qui les sépare peuvent être connues au millimètre près.

Conclusion : intérêt et limites de la chirurgie infodromique Depuis ses premières apparitions dans les blocs opératoires, la chirurgie assistée par ordinateur a considérablement évolué dans ses performances en même temps que sa mise en œuvre s’est simplifiée. Son coût, il y a encore peu, n’était accessible qu’à de gros services universitaires occidentaux. Aujourd’hui, le prix de tels systèmes, du même ordre de grandeur que celui d’un bon microscope opératoire, est accessible à tout bloc chirurgical de moyenne capacité. À ce jour, aucune étude prospective contrôlée n’a pu apporter la preuve que les navigateurs chirurgicaux aient réduit morbidité et mortalité opératoires. La raison en est tout simplement d’ordre éthique et tend implicitement à démontrer l’intérêt de ces systèmes de navigation, puisque les services qui en sont équipés tendent à les utiliser systématiquement, empêchant dès lors toute étude comparative prospective. Les études rétrospectives sont d’intérêt moindre, puisqu’elles comparent généralement des résultats à différentes périodes (avant, puis après acquisition d’un navigateur) de groupes d’opérateurs dont l’expérience s’est accrue au fil des années [6, 18]. Toutes ces études, en revanche, expriment un bénéfice sensible pour l’opérateur, plus détendu dans la réalisation de son acte, généralement plus complet [14, 7

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, avec parfois un gain de temps non négligeable [14]. Toutes aussi insistent sur les capacités didactiques indiscutables de ces systèmes, susceptibles d’améliorer la performance d’un opérateur confirmé et d’accélérer la formation d’opérateurs en apprentissage [9]. Les limites actuelles de la chirurgie infodromique sont essentiellement liées à celles de l’imagerie. L’apparition de nouveaux scanners multibarrettes à très haute résolution permet d’obtenir des images dont la résolution spatiale, quasiment isométrique, est de l’ordre de 0,2 mm. Mais les systèmes de contention du patient sont encore trop rudimentaires pour immobiliser efficacement le crâne et ses inévitables micromouvements, même si les temps d’acquisition sont désormais inférieurs à la minute. Il est probable que les générations de systèmes d’imagerie à venir vont intégrer peu à peu un ensemble de moyens destinés à optimiser l’intégration chirurgicale d’images devenues, non plus de simples outils diagnostiques, mais d’authentiques instruments thérapeutiques. Par ailleurs, aucun algorithme n’est capable d’assurer l’utilisateur que les informations affichées par la machine sont exactes et précises. Des

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calculs d’espérance statistique, plus ou moins empiriques, peuvent renseigner sur la qualité présumée du recalage des images. Mais seule la vérification directe, in situ, par l’opérateur permet de savoir la précision effective de la machine. Et ce n’est qu’après avoir vérifié la bonne concordance d’un certain nombre de points circonscrivant la zone opératoire qu’il est possible d’accorder au système un crédit suffisant pour s’appuyer, avec une sécurité raisonnable, sur son assistance durant le geste à effectuer. En cas d’incohérence entre la perception anatomique de l’opérateur et la perception électronique du système de navigation, seul l’esprit critique du chirurgien correctement entraîné est à même de trancher entre son sentiment et l’information numérique. Cette mise en garde est d’ailleurs inscrite en première page des notices d’emploi de tous ces systèmes. Mais même ainsi limitées, les possibilités actuelles et les perspectives de la chirurgie infodromique la rendent peu à peu incontournable dans les spécialités cranio-maxillo-faciales, comme elle l’est déjà en neurochirurgie, où elle constitue une obligation médico-légale pour bon nombre d’interventions.

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